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Réflexions - Messori - Jésus

     Pour qui est passionné par les origines de la Foi Chrétienne, les livres ne manquent pas pour alimenter ses recherches ou ses méditations. C'est plutôt l'abondance même de cette littérature qui risque d'égarer le croyant qui cherche à comprendre. Même lorsqu'on a fait des études plus approfondies sur le sujet, on éprouve, à certain moment, le désir de revenir vers des ouvrages accessibles au "grand public", d'autant que la Foi, comme le sait, relève finalement d'un autre ordre. L'histoire peut aider, mais elle n'est pas tout et pourrait même, trop suffisante, nous conduire à des chemins sans issues.

     Pour l'ouverture de ce site, j'ai eu la joie de retrouver un livre de 1978: Hypothèses sur Jésus" de Vittorio Messori " Et vous, que dites-vous que je suis" ? J'en ai traduit la préface en Espéranto. Elle décrit le cheminement de l'auteur, homme de bonne volonté, qui se met en quête de connaître qui était ce Jésus, qui est à l'origine de la foi de deux milliards et demi d'hommes. Messori se recommande de deux inspirateurs: Blaise Pascal et son " Mystère de Jésus" et Jean Guitton, l'apologète qui écrivit un " Jésus", autour de 1950.

     La dette reconnue de Messori pour les deux illustres penseurs, m'a conduit à faire un tour d'horizon des livres que j'avais rencontrés, un peu par hasard, au cours de longues années orientées vers " la recherche de Dieu".

     Tout le monde a en mémoires les pages brûlantes de Pascal dans son mémorial, même si l'idée de son "pari" n'a jamais été, à mes yeux, un chemin emportant l'adhésion vers la foi.

     J'avais 22 ans, pendant mes nuits de garde au Maroc et en Algérie, le " Jésus" de Guitton. J'avais été sensible à cette approche honnête où s'entremêlaient foi et intelligence, sorte de mariage " de la nature et de la Grâce" selon le schéma des Pères de l'Eglise et des penseurs du Moyen-Âge. Jean Guitton situait la raison à sa place, mais jamais ne la sous-estimait ni ne la bousculait. Les récits de la Résurrection ainsi présentés brillaient comme les habits des anges qui se tenaient au bord du tombeau vide, selon les évangélistes.

     Dans mes années de formation, j'eus la chance, à une période où à beaucoup d'endroits l'abord des Livres Saints restait encore timoré, de bénéficier de l'enseignement ouvert que je souhaitais. L'illustration en est le mouvement biblique. Après la publication de la Bible dite " du Cardinal Liénart", en 1950, vint celle de " La Bible de Jérusalem", un tournant ! Lanti, le fondateur de SAT- AMIKARO évoquait un jour le thème suivant: " Est-ce que les changements, qui se produisent sans cesse dans la société, résultent de l'apparition de nouvelles idées, ou est-ce que les nouvelles idées apparaissent à cause des changements déjà produits ? " . Il est certain que ces traductions de la Bible pour l'ensemble du peuple chrétien, ont eu une influence positive dont les effets continuent de se faire sentir, d'autant que cette étape venait après une autre déjà longue et riche.

     On connaît le mot de Sirius dans le journal " Le Monde": " Dans la première moitié du XX° siècle, l'Eglise eut le talent pour elle". Le moment décisif en fut la conversion de Claudel.


 

RÉCIT DE PAUL CLAUDEL

CONVERTI PENDANT LE CHANT DU MAGNIFICAT

             « Je suis né le 6 août 1868. Ma conver­sion s'est produite le 25 décembre 1886. J'avais donc dix-huit ans. Mais le dévelop­pement de mon caractère était déjà, à ce moment, très avancé. Bien que rattachée des deux côtés à des lignées de croyants qui ont donné plusieurs prêtres à l'Église, ma famille était indifférente et, après notre arrivée à Paris, devint nettement étrangère aux cho­ses de la Foi.

             Auparavant, j'avais fait une bonne pre­mière communion qui, comme pour la plu­part des jeunes garçons, fut à la fois le cou­ronnement et le terme de mes pratiques religieuses. J'ai été élevé, ou plutôt instruit, d'abord par un professeur libre, dans des collèges (laïcs) de province, puis enfin au lycée Louis-le-Grand. Dès mon entrée dans cet établissement, j'avais perdu la foi, qui me semblait inconciliable avec la pluralité des mondes. La lecture de la Vie de Jésus de Renan fournit de nouveaux prétextes à ce changement de convictions que tout, d'ailleurs, autour de moi, facilitait ou encourageait.

             Que l'on se rappelle ces tristes années quatre-vingts, l'époque du plein épanouissement de la littérature naturaliste. Jamais le joug de la matière ne parut mieux affermi. Tout ce qui avait un nom dans l'art, dans la science et dans la littérature, était irréligieux. Tous les soi-disant grands hommes de ce siècle finissant s'étaient distingués par leur hostilité à l'Église. Renan régnait. Il prési­dait la dernière distribution de prix du lycée Louis-le-Grand à laquelle j’assistai et il me semble que je fus couronné de ses mains. Victor Hugo venait de disparaître dans une apothéose.

             À dix-huit ans, je croyais donc ce que croyaient la plupart des gens dits cultivés de ce temps. La forte idée de l'individuel et du concret était obscurcie en moi. J'acceptais l'hypothèse moniste et mécaniste dans toute sa rigueur; je croyais que tout était soumis aux « lois », et que ce monde était un enchaînement dur d'effets et de causes que la science allait arriver après-demain à débrouiller parfaitement. Tout cela me semblait d'ailleurs fort triste et fort en­nuyeux. Quant à l'idée du devoir kantien que nous présentait mon professeur de philo­sophie, M. Burdeau, ja­mais il ne me fut pos­sible de la digérer.

             Je vivais d'ailleurs dans l'immoralité et, peu à peu, je tombai dans un état de désespoir. La mort de mon grand-père, que j'avais vu de longs mois rongé par un cancer à l'estomac, m'avait inspiré une profonde terreur et la pensée de la mort ne me quittait pas. J'avais complètement oublié la religion et j'étais à son égard d'une ignorance sau­vage. La première lueur de vérité me fut donnée par la rencontre des livres d'un grand poète, à qui je dois une éternelle re­connaissance, et qui a eu dans la formation de ma pensée une part prépondérante : Arthur Rimbaud. La lecture des Illuminations, puis, quelques mois après, d'Une Sai­son en Enfer, fut pour moi un événement capital. Pour la première fois, ces livres ou­vraient une fissure dans mon bagne matéria­liste et me donnait l'impression vivante et presque physique du surnaturel. Mais mon état habituel d'asphyxie et de désespoir res­tait le même.

             Tel était le malheureux enfant qui, le 25 décembre 1886, se rendit à Notre-Dame de Paris pour y suivre les offices de Noël. Je commençais alors à écrire et il me semblait que, dans les cérémonies catholiques, considérées avec un dilettan­tisme supérieur, je trouverais un excitant ap­proprié et la matière de quelques exercices décadents. C'est dans ces dispositions que, cou­doyé et bousculé par la foule, j'assistai, avec un plaisir médiocre, à la grand-messe. Puis, n'ayant rien de mieux à faire, je revins aux vêpres. Les enfants de la maîtrise en robes blan­ches et les élèves du pe­tit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet qui les assistaient, étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. J'étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l'entrée du chœur, à droite du côté de la sacristie. Et c'est alors que se produisit l'événement qui domine toute ma vie.

             En un instant, mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d'une telle force d'adhésion, d'un tel soulèvement de tout mon être, d'une conviction si puissante, d'une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d'une vie agitée, n'ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J'avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l'innocence, de l'éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable.

             En essayant, comme je l'ai fait souvent, de reconstituer les minutes qui suivirent cet instant extraordinaire, je retrouve les éléments suivants qui, cependant, ne formaient qu'un seul éclair, une seule arme, dont la Providence divine se servait pour atteindre et s'ouvrir enfin le cœur d'un pauvre enfant désespéré : « Que les gens qui croient sont heureux ! Si c'était vrai, pourtant ? C'est vrai ! Dieu existe, Il est là. C'est quelqu'un, c'est un être aussi personnel que moi ! Il m'aime, Il m'appelle. » Les larmes et les san­glots étaient venus et le chant si tendre de l’Adeste ajoutait encore à mon émotion.

             Émotion bien douce où se mêlait cepen­dant un sentiment d'épouvante et presque d'horreur ! Car mes convictions philosophiques étaient entières. Dieu les avait laissées dédaigneusement où elles étaient, je ne voyais rien à y changer, la religion catho­lique me semblait toujours le même trésor d'anecdotes absurdes, ses prêtres et les fidèles m'inspiraient la même aversion qui allait jusqu'à la haine et jusqu'au dégoût. L’édifice de mes opinions et de mes connaissan­ces restait debout et je n'y voyais aucun défaut. Il était seulement arrivé que j'en étais sorti.

             Un Être nouveau et formidable, avec de terribles exigences pour le jeune homme et l'artiste que j'étais, s'était révélé que je ne savais concilier avec rien de ce qui m'entou­rait. L’état d'un homme qu'on arracherait d'un seul coup de sa peau pour le planter dans un corps étranger au milieu d'un monde inconnu est la seule comparaison que je puisse trouver pour exprimer cet état de désarroi complet. Ce qui était le plus répugnant, à mes opinions et à mes goûts, c'est cela pourtant qui était vrai, c'est cela dont il fallait bon gré, mal gré, que je m'accommodasse. Ah ! Ce ne serait pas, du moins, sans avoir essayé tout ce qu'il m'était possible pour résister.

             Cette résistance a duré quatre ans. J'ose dire que je fis une belle défense et que la lutte fut loyale et complète. Rien ne fut omis. J'usai de tous les moyens de résis­tance et je dus abandonner l'une après l'autre des armes qui ne me servaient à rien. Ce fut la grande crise de mon existence, cette agonie de la pensée dont Arthur Rimbaud a écrit : « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes. Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face ! » Les jeunes gens qui abandonnent si facilement la foi ne savent pas ce qu'il en coûte pour la recou­vrer et de quelles tortures elle devient le prix. La pensée de l'enfer, la pensée aussi de tou­tes les beautés et de toutes les joies, dont, à ce qu'il me paraissait, mon retour à la vérité, devait m'imposer le sacrifice, étaient surtout ce qui me retirait en arrière.

             Mais enfin, dès le soir même de ce mémorable jour à Notre-Dame, après que je fus rentré chez moi par les rues pluvieuses qui me semblaient maintenant si étranges, j'avais pris une bible protestante qu'une amie allemande avait donnée autrefois à ma sœur Camille et, pour la première fois, j'avais entendu l'accent de cette voix si douce et si inflexible qui n'a cessé de retentir dans mon cœur.

             Je ne connaissais que par Renan l'histoire de Jésus et, sur la foi de cet imposteur, j'ignorais même qu'Il se fût jamais dit le Fils de Dieu. Chaque mot, chaque ligne démen­tait, avec une simplicité majestueuse, les impudentes affirmations de l'apostat et me dessillait les yeux. C'est vrai, je l'avouais avec le centurion, oui, Jésus était le Fils de Dieu. C'est à moi, Paul, entre tous, qu'Il s'adressait et Il me promettait Son amour. Mais, en même temps, si je ne Le suivais, Il ne me laissait d'autre alternative que la damnation. Ah ! de n'avais pas besoin qu'on m'expliquât ce qu'était l'enfer et j'y avais fait ma « Saison ». Ces quelques heures m'avaient suffi pour me montrer que l'enfer est partout où n'est pas Jésus-Christ. Et que m'importait le reste du monde auprès de cet Être nouveau et prodigieux qui venait de m'être révélé ?

             C'était l'homme nouveau en moi qui par­lait ainsi, mais l'ancien résistait de toutes ses forces et ne voulait rien abandonner de cette vie qui s'ouvrait à lui. L’avouerai-je ? Au fond, le sentiment le plus fort qui m'empêchait de déclarer mes convictions était le res­pect humain. La pensée d'annoncer à tous ma conversion, de dire à mes parents que je vou­lais faire maigre le ven­dredi, de me proclamer moi-même un de ces catholiques tant raillés, me donnait des sueurs froides et, par mo­ments, la violence qui m'était faite me causait une véritable indignation. Mais je sentais sur moi une main ferme. Je ne connaissais pas un prêtre. Je n'avais pas un ami catholique.

             L’étude de la religion était devenue mon intérêt dominant. Chose curieuse ! l'éveil de l'âme et celui des facultés poétiques se fai­sait chez moi en même temps, démentant mes préjugés et mes terreurs enfantines. C'est à ce moment que j'écrivis les premières versions de mes drames : Tête d'Or et La Ville. Quoique étranger encore aux sacrements, déjà je participais à la vie de l'Église, je respirais enfin et la vie pénétrait en moi par tous les pores. Les livres qui m'ont le plus aidé à cette époque sont d'abord les Pensées de Pascal, ouvrage inestimable pour ceux qui cherchent la foi, bien que son influence ait souvent été funeste; les Élévations sur les Mystères et les Méditations sur les Évangiles de Bossuet, et ses autres traités philosophiques; le Poème de Dante, et les admirables récits de la Sœur Emmerich. La Métaphysique d'Aristote m'avait nettoyé l'esprit et m'intro­duisait dans les domaines de la véritable rai­son. L’Imitation appartenait à une sphère trop élevée pour moi et ses deux premiers li­vres m'avaient paru d'une dureté terrible.

             Mais le grand livre qui m'était ouvert et où je fis mes classes, c'était l'Église. Louée soit à jamais cette grande mère majes­tueuse aux genoux de qui j'ai tout appris ! Je passais tous mes dimanches à Notre-Dame et j'y allais le plus sou­vent possible en se­maine. J'étais alors aussi ignorant de ma religion qu'on peut l'être du bouddhisme, et voilà que le drame sacré se déployait de­vant moi avec une magni­ficence qui surpassait toutes mes imaginations. Ah ! ce n'était plus le pauvre langage des livres de dévotion ! C'était la plus pro­fonde et la plus grandiose poésie, les gestes les plus augustes qui aient jamais été confiés à des êtres humains.

             Je ne pouvais me rassasier du spectacle de la messe et chaque mouvement du prêtre s'inscrivait profondément dans mon esprit et dans mon cœur. La lecture de l'office des Morts, de celui de Noël, le spectacle des jours de la Semaine Sainte, le sublime chant de l'Exultat auprès duquel les accents les plus enivrés de Sophocle et de Pindare me paraissaient fades, tout cela m'écrasait de respect et de joie, de reconnaissance, de re­pentir et d'adoration ! Peu à peu, lentement et péniblement, se faisait jour dans mon cœur cette idée que l'art et la poésie aussi sont des choses divines, et que les plaisirs de la chair, loin de leur être indispensables, leur sont au contraires un détriment. Combien j'enviais les heureux chrétiens que je voyais communier ! Quant à moi, j'osais à peine me glisser parmi ceux qui, à chaque vendredi de Carême, venaient baiser la couronne d'épines.

             Cependant les années passaient et ma situation devenait intolérable. Je priais Dieu avec larmes en secret et cependant je n'osais ouvrir la bouche. Pourtant, chaque jour, mes objections devenaient plus faibles et l'exigence de Dieu plus dure. Ah ! que je Le connaissais bien à ce moment, et que Ses tou­ches sur mon âme étaient fortes ! Comment ai-je trouvé le courage d'y résister ?

             La troisième année, je lus les Écritures posthumes de Baudelaire, et je vis qu'un poète que je préférais à tous les Français avait trouvé la foi dans les dernières années de sa vie et s'était débattu dans les mêmes angoisses et dans les mêmes remords que moi. Je réunis mon courage et j'entrai un après-midi dans un confessionnal de Saint-Médard, ma paroisse. Les minutes où j'attendis le prêtre sont les plus amères de ma vie. Je trouvai un vieil homme qui me parut fort peu ému d'une histoire qui, à moi, semblait si intéressante ; il me parla des « souvenirs de ma première communion » (à ma pro­fonde vexation) et m'ordonna avant toute absolu­tion de déclarer ma conversion à ma famille : en quoi aujourd'hui je ne puis lui donner tort. Je sortis de la boîte humilié et courroucé, et n'y revins que l'année suivante, lorsque je fus décidément forcé, réduit et poussé à bout. Là dans cette même église Saint-Médard, je trouvai un jeune prêtre miséricor­dieux et fraternel, M. l'abbé Ménard, qui me réconcilia, et plus tard, le saint et vénérable ecclésias­tique, l'abbé Villaume, qui fut mon directeur et mon père bien-aimé, et dont, du ciel où il est maintenant, je ne cesse de sentir sur moi la protection. Je fis ma seconde communion en ce même jour de Noël, le 25 décembre 1890, à Notre-Dame. »

 Ecclesia, Lectures chrétiennes, Paris, No 1, avril 1949, p. 53-58

On l'aura noté, dans sa perte de la Foi, l'auteur de " L'Annonce faite à Marie", souligne le rôle joué par " La vie de Jésus" par Ernest Renan. Ce livre allait être pour un siècle la bible des "irréligieux", la démonstration d'un Jésus "historique" bien éloigné du Jésus de la "Foi". C'est cette Foi que redécouvrit Claudel, la nuit de Noël 1886. Cette conversion allait entraîner dans son sillage une partie du monde intellectuel français. Et ce n'était pas rien, pour un jeune des années 1950, que de pouvoir se réclamer d'une cohorte de grands esprits qui avaient pu donner, grâce à leur foi chrétienne, un sens à leur vie. Une collection venait de commencer la publication: " Les grands convertis du XX° siècle". Il était possible de faire connaissance avec des écrivains; des dramaturges, des historiens, des peintres, des philosophes, bref une cohorte des témoins de l'esprit, qui avaient tourné le dos au rationnalisme pour retrouver soit la foi de leur enfance, où trouver la foi s'ls étaient nés en milieu irréligieux. Pour les jeunes, Ernest Psichari, neveu de ce renan honni, représentait un idéal à suivre. Le voyage du centurion, qu'il rédigea à Cherbourg, le retour à la Foi d'un jeune dévoyé et sans but dans la vie, à travers L'appel du désert ( son autre livre majeur) et le don de soi à son pays, scellé par sa mort au combat, était un livre que l'on citait avec admiration.

Si la figure de Jacques de Jacques Maritain, inséparable de son épouse Raïssa, ne nous était pas étrangère, elle n'avait pas la même force d'attraction, car sa pensée austère de philosophe du "réel" restait pour nous un peu froide. A cela s'ajoutait le fait qu'il nous présentait la pensée thomiste dans un habillage conceptuel fait-main, assez rébarbatif surtout pour celui qui n'était pas né métaphysicien. Le professeur de théologie m'avait dit un jour: " Quand vous serez plus avancé, vous pourrez lire son maître livre Science et Sagesse. Je crois que Claudel a écrit quelque part qu'il est un âge où l'appétit d'apprendre et de lire est tel que " l'on digérerait même du bois de charpente". Ne n'hésitait pas, partant pour la guerre en A.F.N., à mettre dans mon sac ce pavé de plus de 500 pages, que je n'ouvris, à vrai dire, qu'une seule fois, mais pour mon plus grand bien. Nous avions, au 41° R.T., à Fès, une bibliothèque, certes limitée, mais qui me permit, durant plus de deux ans, en une période où l'action de la guerre nous laissait beaucoup de temps pour le rêve, de satisfaire ma curiosité au delà du champ strictement scolaire. Parmi les découvertes de ce moment, il y eu le livre d'un certain Jean Marqués- Rivière, A l' ombre des monastères thibétains. J'étais encore à l'âge où lire un livre, c'était le vivre. Cette rencontre avec un monde inconnu et secret, comme l'avait été autrefois Tombouctou, avait quelque chose de fascinant. C'étai en quelque sorte l'éternité cachée au milieu des neiges éternelles. La rencontre avec " Les Maîtres inconnus de la Connaissance" en était le point d'orgue. Envahi par ces nouvelles révélations et loin de tout contact suivi avec quelque conseiller que ce fut, je finis par me dire que, peut-être, je trouverais dans le livre de Maritain, une réponse. Et elle s'y trouvait ! Je trouvai le passage qui était la parfaite description de l'état mental où je me trouvais... Il y était question de ces prétendues sagesses qui seraient entre les mains de gourous disposant de savoirs ésotériques...Conseils d'autant plus précieux que j'ignorais tout du passé sulfureux de l'auteur, qui s'était fourvoyé dans le nazisme durant la guerre 1939-45 !

Le livre de Raïssa Les grandes amitiès, en revanche, était pour un certain nombre un véritable livre de chevet où défilaient ces "convertis" qui, influencés par le prophète Léon Bloy, venaient s'abreuver à cette Ecole de la Foi à l'ambiance chaude, mais stricte. Julien Green, converti lui aussi, dira un jour: déjeuner chez les Maritain, me donnait l'impression d'un repas chez les premiers chrétiens... Je n'ai, finalement, lu ce livre qu'à l'âge 70 ans. Inutile de dire que j'y trouvai l'ambiance d'une époque qui n' était plus. L'image du couple Maritain, témoin des "derniers temps", avec leur mariage non consommé et leur zèle à faire de nouveaux convertis - le cas Péguy les faisait beaucoup souffrir ! - n'avait plus la même "aura". Mais le livre peut être recommandé à qui recherche des témoignages concrets sur une période.

24/02/2016.

 


Date de création : 21/02/2016 @ 16:10
Dernière modification : 30/06/2021 @ 13:10
Catégorie : Réflexions
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